« Tu me fends le cœur » ! Cette célèbre réplique de César s’adressant à Escartefigue, prononcée par Raimu dans Marius, film tourné en 1931 par Alexander Korda sur des dialogues de PAGNOL, qui ne l’a jamais entendue ? Tout le soleil de sa Provence natale est contenu dans Marius, Fanny et César, cet hymne au peuple de Marseille et de la méditerranée. Issu d’un milieu modeste, Marcel PAGNOL dont l’œuvre continue d’inspirer le cinéma d’aujourd’hui, a, de son vivant, obtenu tous les honneurs : succès, argent, gloire, et reconnaissance des siens.
Né le 28 février 1895 d’un instituteur laïque et républicain, Joseph, et d’une couturière, Augustine, à Aubagne, Marcel est l’aîné d’une famille de quatre enfants. On remarque tout de suite dans la carte du ciel de ce Poissons Ascendant Vierge, un Soleil affligé par son opposition à l’Ascendant et son carré à la triple conjonction Mars – Pluton – Neptune culminante au milieu du ciel. Cette image paternelle ambivalente, à la fois idéalisée et redoutée, complexe et difficile à s’approprier, prend une très grande place dans sa psyché du sujet qui semble entretenir avec elle un rapport de force, une contestation, voire une opposition viscérale. Ce qu’il mettra en acte notamment en se brouillant avec son père, lorsque Joseph se remarie en 1912, deux ans après la mort de sa femme. La grande caractéristique du signe des Poissons est une plasticité psychique exceptionnelle, une malléabilité étonnante, en partie due à sa grande sensorialité, sa forte réceptivité, son impressionnabilité et une inflation émotive parfois déstabilisante. Ce qui donne une personnalité complexe, riche et changeante, tout en potentialités. Le Soleil, valeur de conscience, et, pour un homme, principe d’identité masculine, a du mal à y trouver un chemin direct et défini. Cet obstacle est renforcé, chez Marcel PAGNOL, par la dissonance à Neptune génératrice de nébulosité. Un père présent de fait mais absent dans son rôle de père, donc insécurisant, voire incompatible psychiquement pour pouvoir s’y amarrer de manière suffisamment solide. Laissons la parole à PAGNOL lui-même : « Quand je revois la longue série de personnages que j'ai joués dans ma vie, je me demande qui je suis...".
Ce « complexe de fuite » se traduit habituellement par un manque de volonté et une faiblesse devant les tentations que le thème natal de Marcel PAGNOL compense puissamment. En effet, Mars, la pugnacité, est valorisé, et Saturne, la discipline et la capacité à s’assumer, bien relié à l’Ascendant et au Soleil, servent d’échappatoire et de contrepartie solide à l’évanescence des Poissons. Si la configuration globale dans laquelle se trouve impliqué le Soleil révèle que le sujet a une difficulté à affirmer son identité, sa position en maison VII, lieu de la relation, montre qu’il est en quête d’un guide, d’un maître, d’une figure héroïque sur laquelle s’appuyer pour en faire un modèle privilégié. Il a soif d’admirer et d’être lui-même vu et reconnu. Ne pas être le premier, être en échec, est une souffrance chez celui dont le besoin de se mettre en scène est important. Couplé à Mars qui fait le battant et à Saturne qui lui donne des racines, ses qualités de volonté et de courage lui ont permis de réaliser cet objectif. Le fils d’instituteur est devenu académicien !
Maître de l’Ascendant, Mercure est en Poissons, en VI – secteur du travail - et gouverne également la maison X via le signe des Gémeaux. Il s’identifie au Soleil. Marcel veut briller et capter le regard des autres à défaut de celui de son père. Une anecdote rapportée par l’auteur est tout à fait symptomatique à la fois de ce désir et de la capacité d’absorption par imprégnation de la nature « Poissons ». Lorsqu'elle allait au marché, sa mère le laissait dans la classe de son père, qui eut un jour la surprise de le voir lire couramment, alors qu'il n'avait pas cinq ans.
Cet introverti, rêveur et vulnérable, tente d’échapper à la réalité quotidienne trop étriquée et contraignante pour son imagination océanique. Jupiter, promesse d’épanouissement social, bien placée en maison X, lieu de la vocation, non seulement lui en fournit l’occasion, mais en plus le dote d’une aisance et d’une efficacité qui lui ouvrent la voie de la réussite. Remarquons que Mars gouverne la IXème maison, secteur, entre autres, des études supérieures, où Marcel PAGNOL excella : Bac Philo, khagne, puis fondation d’une revue littéraire et enseignement... devenant peu à peu lui-même un astre brillant au firmament des hommes illustres.
Dans cette configuration, tout est dit, en filigrane, de la motivation inconsciente du sujet. Avant Marcel, un garçon, Paul, jamais mentionné au sein de la famille, né le 2 avril 1894, était mort quatre mois plus tard la même année. La position de Vénus, maître de III – secteur de la fratrie et de l’expression - en VIII – secteur des pertes - gouvernant également le secteur X, la carrière, relie en elle le deuil non fait du premier enfant de la famille, les aptitudes d’expression de Marcel et son besoin d’entreprendre et de s’affirmer -élément Feu - pour surmonter le fait d’être, par son rang, un enfant de remplacement. Moins un décès est verbalisé, plus la charge émotionnelle inconsciemment transmise a d’emprise sur le sujet. On comprend mieux alors que Mars et Pluton culminants soient tous les deux, par leur maîtrise de la maison IV, le foyer, les vecteurs d’un langage familial secret et muet. L’axe des signes interceptés, Gémeaux – Sagittaire, indice de problématique par rapport à un frère ou une sœur, sert de redondance et traduit une difficulté sur ce plan.
Enfin, Saturne, planète de la maturité, dans un secteur analogique de l’enfance, apporte un indice de responsabilisation prématurée. Le dossard a-t-il été dur à porter ? Saturne est en Scorpion : les émotions intenses et anxiogènes sont refoulées. Il est assez amusant de constater que l’on retrouve souvent ce type d’aspect chez des enfants d’enseignants. Avec Saturne en III l’éducation reçue est souvent perçue comme rigoureuse ou sévère. C’est néanmoins autour de ce surmoi intériorisé – Saturne – que Marcel PAGNOL s’est accroché pour grandir et se structurer. Une figure de grand-père servant de « tuteur » ?
Si le Soleil - astrologiquement par son angularité, et existentiellement par la mise en valeur de sa personnalité que Marcel PAGNOL a développée - s’est tout d’abord imposé à l’analyse, n’oublions pas que tout parcours humain commence par la dyade maternelle et ses destins variés dans l’histoire de chacun. Pour ce qui concerne notre sujet, sa Lune en Bélier évoque une mère active, volontaire et impulsive, peut-être souveraine dans son foyer et sans nul doute avec laquelle il entretient une relation passionnée. Sextile à Jupiter, il est vraisemblable qu’elle se soit montrée « une mère suffisamment bonne » pour que Marcel se sente protégé et incité à progresser – elle gouverne la maison XI, celle des projets et des amis qui compteront beaucoup dans sa vie. Cette mère, une jolie brune pleine de vivacité, meurt de congestion pulmonaire le 16 juin 1910. Marcel PAGNOL a 15 ans : Uranus transite en Capricorne au carré de sa Lune tandis que Saturne, en Taureau, arrive à son opposition, première étape de maturation s’accompagnant d’un traumatisme affectif majeur.
Outre la Lune, Vénus se trouve également en Bélier et en VIII – secteur de la mort, des finances mais aussi de la sexualité. Avec les deux valeurs féminines dans le signe de Mars, les attirances sont intenses, les sentiments spontanés mais changeants et les coups de foudre fréquents. Mobilisé quand la première guerre mondiale éclate, il est réformé pour faiblesse de constitution. Mercure, maître d’Ascendant, est dissonant, en chute et dans un secteur concernant la santé, signalant une fragilité. Après des études littéraires, il commence une carrière de professeur d’anglais tout en s’essayant à la poésie. Dans la foulée, il épouse Simone COLLIN. Pluton est au carré de Vénus pendant que Jupiter y est conjoint. D’autres dulcinées vont suivre lui faisant cadeau, presque chaque fois, d’un enfant. Kitty Murphy, une danseuse anglaise, met son premier fils au monde, Jacques, en 1930. Puis Orane Demazis lui donne le second, Jean-Pierre, en 1933. C’est ensuite au tour d’Yvonne Pouperon de donner naissance à Francine en 1937. Enfin Jacqueline Bouvier, qu’il épouse en 1945, à 50 ans, après une brève liaison avec l’actrice Josette Day, sera la mère de deux autres de ses enfants : Frédéric et Estelle. Comme les astres le laissaient entrevoir, Marcel PAGNOL, emporté par un appétit de conquête plein de fougue et d’ardeur – l’élément feu – et un désir de fusion totale avec l’être aimé –maison VII en Poissons et ses maîtres, Jupiter et Neptune, en conjonction - sa vie amoureuse ne fut pas un long fleuve tranquille.
Nommé professeur au lycée Condorcet à Paris en 1922 – l’arrivée d’Uranus sur son Soleil inaugure du changement -, il y retrouve un ami marseillais, devenu rédacteur à Comoedia, un quotidien français dédié aux Arts et Lettres, Paul Nivoix. Celui-ci l’introduit dans le milieu du théâtre et compose avec lui un vaudeville qui rencontre un petit public, ce qui encourage les deux hommes à poursuivre. Le premier vrai succès a lieu avec Topaze, satire de l’arrivisme, une pièce jouée au Théâtre des Variétés en 1928. Uranus rencontre alors Vénus tandis que Jupiter passe sur la Lune puis au sextile de Mercure. Marcel Pagnol décide alors de vivre de sa plume et prend congé de l’Education nationale pour « cause de littérature. Avec ses pièces Marius en 1929 et Fanny en 1930, c’est le triomphe. Le cinéma parlant lui tend les bras. Il quitte Paris pour Marseille en 1932, une année endeuillée par la mort, à 34 ans, de son frère Paul – le « dernier des chevriers d’Allauch » - qui souffrait du « haut mal » (épilepsie). Neptune, maître de VIII, transite son Ascendant, à l’opposition du Soleil, maître de XII, les épreuves et réactivant la structure dissonante de sa carte du ciel. A noter que Paul, né après Marcel, a hérité du prénom de l’enfant « fantôme » occulté par la famille. Jupiter transite en harmonie de la Lune, facteur de succès social mais revient sur l’Ascendant réactiver la configuration névralgique natale.
Pour devenir réalisateur, il fonde sa société de production et installe ses propres studios dans un domaine de 24 hectares de garrigue, sorte de "Hollywood provençal" où tous ses films seront tournés en plein air, dont les inoubliables Angèle en 1934, César en 1936, Regain en 1937 et bien d'autres. Une Vénus au carré de Jupiter fait l’hédoniste qui n’aime pas limiter ses désirs. En 1944, Marcel Pagnol est élu président de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, en 1946 à l'Académie Française. Jupiter transite Saturne, maître de V : une sorte de revanche narcissique. C’est la consécration et la fortune. En 1951, il a la joie de voir naître sa fille Estelle et la douleur de perdre son père. Poursuivi par le fisc, il s’installe à Monte-Carlo auprès de son admirateur et ami, le Prince Rainier, dans une somptueuse villa. Après la mort de sa petite Estelle, en 1954, il fuit ce lieu idyllique et revient à Paris. Pluton se trouve alors au trigone de sa Lune en maison VIII, Neptune à son opposition et Uranus arrive à son carré. L’archétype de l’intime est touché comme au moment du décès de sa mère. Ce renouvellement du sentiment de dépossession entraîne une évolution de son mode d’expression.
Dès lors, Marcel Pagnol renoue avec l’écriture et se consacre au roman en ressuscitant ses années de jeunesse. La Gloire de mon Père paraît en 1957, Le Château de ma Mère en 1959 et Le Temps des Secrets en 1960, suivis de L'Eau des collines, Jean de Florette et Manon des Sources et du Masque de fer. Il s’éteint le 18 avril 1974 à 79 ans en laissant une œuvre populaire appréciée pour ses sensibles portraits humains. Jupiter est pile sur le Soleil de l’auteur, au carré de Pluton, maître de IV, début et fin du passage terrestre, et bien sûr de Neptune. C’est l’évasion définitive à laquelle les Poissons si perméables et fluctuants aspirent, eux qui se sentent en communion avec l’univers tout entier. Sur sa tombe une phrase du poète Virgile : « Fontes amicos uxorem dilexit » - « il a aimé les sources, ses amis, sa femme » - résume sa vie avec simplicité.
© Article paru dans ASTR’OH N° 3 – Mars 2011