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Roman POLANSKI ou la confrontation à l’ombre plutonienne
PAR ARIANE VALLET

Les planètes lentes qu’on appelle aussi trans – personnelles, font se télescoper l’histoire d’un sujet ancré dans sa généalogie avec le contexte collectif dans lequel elle s’est déployée. On peut mettre ces valeurs astrologiques en correspondance avec les archétypes qui, selon Jung, sous-tendent l'inconscient collectif et sont les structures même de la psyché.

De son côté, André Barbault écrit : « Pluton symbolise les profondeurs de nos ténèbres intérieures qui rejoignent la nuit originelle de l’âme, c’est-à-dire les couches les plus archaïques de la psyché ». Ce qui fait écho au concept jungien d’ombre.

Dans L’homme aux prises avec l’Inconscient, le psychanalyste Elie Humbert écrit : « Former le concept d’ombre, c’est désigner l’inévitable contrepartie de ce qui a été réalisé et, du fait même, interroger l’homme sur le prix qu’il a payé. Chaque civilisé a sa brute, chaque homme son pervers, et, comme le montre l’iconographie, chaque dieu son animal. Leur rapport ne résulte pas d’un jeu standard de complémentarité mais de l’histoire au cours de laquelle l’élaboration consciente s'est marquée d’une succession de rejets : tabous, interdits, dénis pour ceux qui ont leur origine à l’extérieur, refoulements proprement dits et défenses pour ceux où la subjectivité s’exerce directement. Ces répressions ne sont jamais des suppressions, au pire elles enfouissent dans le corps ou dans l’entourage ce qu’elles ne tolèrent pas. Même projetées, les composants réprimées sont toujours là et forment l’ombre propre de chaque élaboration ».

Si Pluton est bien le maître des mutations au plan collectif, le rôle qu’il joue dans les destins individuels est donc intéressant à observer, notamment sous cette face d’ombre. Dans cette optique, il m’a semblé judicieux de jeter un coup d’œil sur le thème de Roman Polanski, dont les vicissitudes actuelles défraient la chronique.
Son thème natal nous présente le Soleil en Lion,  un Ascendant Balance, la Lune en Cancer, culminant en compagnie serrée de Pluton et formant une conjonction Apex d’un double carré à l’opposition de Mars en maison I à Uranus en VII. C’est dire si la planète qui nous occupe trône ici dans une position d’importance. Le rapprochement symbolique des planètes évocatrices de la vie et de la mort, Lune et Pluton, c’est l’association de deux planètes féminines et inconscientes. Dans son Dictionnaire des Aspects astrologiques, Martine Barbault, écrit de cet aspect que c’est « la conjugaison d’une planète de sensibilité avec une autre de pulsions agressives ou érotiques, d’où des amours passionnées où se mêlent des sentiments extrêmes dans une dialectique amour-haine ».
Quel que soit le schéma originaire dans lequel s’est développé ce type d’imprégnation maternelle, il se double toujours d’un arrière-plan  anxiogène, générateur d’agressivité et de culpabilité à un degré ou un autre. La rencontre Lune / Pluton c’est la mère menaçante, terrifiante et/ ou la mère menacée / terrifiée. L’image maternelle est chargée d’une toute puissance d’autant plus effective qu’elle demeure inconsciente. Le plutonien s’empare du fantasme de l’omnipotence en jouant la provocation, une tentative de maîtriser ce qui l’angoisse. Sa défense favorite est  le clivage, cher à Mélanie Klein, qui sépare le bon objet du mauvais, mécanisme auquel sont liées, dit-elle, l’angoisse de persécution et l’idéalisation. On est en droit de se demander ici ce qui, dans la relation à la mère est potentiellement mortifère.
Par ailleurs, la double dissonance de valeurs chaudes et sèches, Mars et Uranus à la Lune plutonisée, intensifie l’expression des émotions. Le sentiment de sécurité, très dépendant du ressenti, est aux prises avec l’angoisse de désintégration – Pluton -, l’angoisse de séparation – Uranus -,  et l’agressivité pulsionnelle de survie - Mars. Voilà une configuration où l’impulsion, l’audace et la révolte, en signes cardinaux vecteurs d’élans, mobilisent le sujet, le mettent sous tension et peuvent, éventuellement, le faire basculer dans la violence.
Enfin, Vénus, maître de l’Ascendant, est en Vierge, en maison XII, conjointe à Jupiter auquel elle s’identifie. C’est, pourrait-on dire, la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Timidité, inquiétude, sentiment de solitude, voire d’exil, voilà le talon d’Achille de Polanski, sa face secrète dissimulée derrière une confiance en soi et un optimisme affichés.
En 1936, son père a la mauvaise idée de rentrer à Cracovie.  Après l'invasion de l’ouest de la Pologne par les troupes allemandes en septembre 1939, la famille est contrainte de vivre dans le ghetto et Roman est assujetti dès l’âge de 7 ans au travail obligatoire.

La famille est dispersée. Contrairement à ses parents et à sa sœur, il évite la déportation en s’échappant du ghetto et en se réfugiant à la campagne chez des fermiers.

A son retour à Cracovie - il n'a alors que 10 ans - il vit en vagabond, détourne la vigilance allemande et arrive à survivre grâce à l'entraide avec des habitants et d'autres enfants, et grâce au marché noir. Survivre en sauvageon pour échapper à la mort, n’est-ce pas une belle illustration de la conjonction Lune / Pluton dans le signe plein de vitalité du Cancer ?  Pendant la période de la guerre, on remarque les transits majeurs des lentes dans son thème :

S’il retrouve son père revenu du camp de Mauthausen, il apprend que sa mère est décédée. Il a douze ans.

Sa relation avec son père est conflictuelle. Le Soleil en Lion est en maison XI, secteur des amitiés : c’est avec un ami d’enfance qu’il découvre sa vocation. Il rêve d’être un artiste et fréquente plus assidûment les salles de cinéma que les cours d'école. Il rate son bac puis entre aux Beaux – Arts dont il est renvoyé. C’est décidé, il veut être acteur. Le Soleil est l’échappatoire de la configuration dissonante. Etre vu, reconnu, aimé, bref briller aux yeux des autres, c’est ça, pour lui,  la panacée. Un succès sur les planches lui ouvre une carrière de comédien, mais c’est finalement son entrée à l’école de cinéma de Lodz, où il réalise huit courts-métrages remarqués, qui lui met le pied à l’étrier de sa carrière de réalisateur.
Son premier long métrage, en 1962, Le couteau dans l’eau - titre qui me semble faire écho au carré de Mars à la Lune Cancer -, mal reçu en Pologne est apprécié en Europe et sera nominé pour l’Oscar du meilleur film étranger. On connaît la suite… En 1966, il met en en scène la ravissante Sharon Tate dans le Bal des Vampires – titre tragiquement prédestiné – et l’épouse deux ans plus tard, en 1968.
Nouveau drame le 9 août 1969. Sharon, enceinte de huit mois, est sauvagement assassinée de seize coups de couteau en compagnie de quatre de leurs amis proches, pendant que Roman prépare un film en Angleterre. Les disciples de Charles Manson, gourou de la secte « la famille », sont les auteurs de ce carnage. Très vite l’étiquette de maudit, voire de diabolique est collée à Polanski. On amalgame l’ambiance fantastique et terrifiante de ses films au meurtre. Rosemary’s baby, film d’épouvante qui renouvelle radicalement le genre a été un succès l’année précédente. La presse américaine va jusqu’à le tenir pour responsable de ce qui s’est passé : il l’a mérité, lit-on même dans certains journaux !  Lui, s’enfonce dans la dépression.

Si les traumatismes de l’enfance inspirent  visiblement le cinéaste et l’incite à explorer dans son œuvre les visages du mal, c’est à l’évidence une tentative de les conjurer. Le  cauchemar intérieur s’est encore fait réalité.
 A partir de Chinatown, il goûte au succès professionnel. Il est devenu un cinéaste en vogue ; la  Lune au MC est gage de popularité.
Son aura sulfureuse reprend du service, comme nul ne peut plus l’ignorer aujourd’hui,  le 11 mars 1977 à la suite d’une plainte déposée par les parents d’une jeune fille de 13 ans, Samantha Gailey, venue, sans chaperon, se faire photographier pour Vogue par le cinéaste.

Quelques jours plus tard, il est arrêté. Guet apens pour ses amis, viol ignoble pour ses ennemis. Si cette dernière accusation n’est pas retenue par la justice, il est inculpé pour relations sexuelles illégales avec une mineure. Il plaide coupable mais n’échappe pas à l’incarcération.
Pendant 42 jours il est maintenu à l’isolement (maison XII), certains détenus ayant juré d’avoir sa peau. Ses avocats et les parents de Samantha se mettent finalement d’accord sur une transaction financière.  
La conjonction Lune / Pluton qui, chez un homme, associe dans l’inconscient l’image du féminin à l’archétype de la mort, se projette sur la femme et oriente son attitude à son égard. Celle-ci peut osciller de la fascination, la soumission, (style la femme et le pantin) jusqu’à l’hostilité et l’agressivité, en passant par la mise à distance de sa supposée puissance en la traitant comme un objet  (on retrouve les vertus du clivage qui neutralise) ;  la sexualité violente se faisant alors le théâtre privilégié d’une mise en scène des fantasmes destructeurs. Ce comportement peut passer d’un extrême à l’autre, voire alterner chez un même sujet. Tout se passe comme si le désir d’exercer un pouvoir sur l’autre était le reflet inversé de celui qui a été subi et refoulé. Un tel complexe est généralement déconnecté du reste des instances de la personnalité. Quand il est activé, l’être est comme possédé. Il peut alors manifester un comportement pervers pouvant aller jusqu’au sadisme et à la cruauté. Les faits divers des journaux regorgent d’exemples à ce sujet.
Polanski adorait son épouse Sharon Tate dont il était, dit-on, fou amoureux. Son décès dans les conditions atroces que l’on sait a certainement constellé à nouveau en lui le complexe maternel et sa charge affective ambivalente. La consommation frénétique de jeunes femmes à laquelle il s’est ensuite adonné semblerait  indiquer que l’autre versant était alors à l’œuvre. Quoi qu’on pense sur le plan de la moralité des actes de l’adulte de 44 ans qu’il était, l’épisode Samantha vient s’inscrire dans ce tableau.
Libéré sous caution six semaines plus tard, Polanski apprend que le juge veut faire un exemple de son cas et que son procès ne va pas s’arrêter là. N’écoutant que son instinct – dont il ne manque pas -  il prend la poudre d’escampette. Le 1er février 1978, il quitte l’Amérique où il n’est jamais retourné.

Il se retrouve à nouveau proscrit et fugitif… La large conjonction Soleil / Neptune encadrant le Nœud Sud n’y est, sans doute, pas pour rien. L’image paternelle troublée implique de l’irréalisme, voire de la marginalité et une certaine difficulté à définir sa propre identité. De plus, comme l’écrit Luc Bigé, « les planètes conjointes au Nœud Sud représentent les mémoires comportementales qui nous enchaînent au passé ».

Retour à la case départ, Paris, son lieu de naissance. Les années passent. Les films aussi.
En 1989, Roman Polanski épouse sa nouvelle actrice fétiche, Emmanuelle Seigner, sous le transit de Pluton au carré de son Saturne natal. Les vieilles structures s’effondrent, de nouvelles bases devraient pouvoir s’ériger sur les décombres du passé.
Il aura deux enfants, Morgane et Elvis. Une nouvelle vie, plus bourgeoise. Un bel appartement. Des honneurs. Et un chalet en Suisse où il passe des vacances.
En 2002, il obtient toute une série de récompenses dont la Palme d’Or  à Cannes, pour Le Pianiste, un film dans lequel il évoque un sujet qui le touche de très près, celui de l’occupation de la Pologne et du ghetto de Varsovie. Le film reçoit un Oscar qu’il ne peut aller chercher. Harrison Ford se charge de le lui apporter à Deauville la même année. Standing ovation outre Atlantique à l’annonce de son nom.

Dans ce ciel maintenant limpide, coup de tonnerre le 26 septembre de cette année. Interpellé à l’aéroport de Zurich alors qu’il se rendait à un festival de cinéma dont il était l’invité d’honneur, Roman Polanski est rattrapé par le passé. Il tombe sous le coup d’un mandat d’arrêt américain pour l’affaire Samantha qui ressurgit, malgré les demandes réitérées de la victime qui souhaite que l’affaire soit classée. Il est, à nouveau, emprisonné.

Assigné à résidence le 4  décembre – jour où la Lune repassait sur sa conjonction Lune / Pluton -, il attend, anxieusement, on peut l’imaginer, la suite du feuilleton. Bref, le voilà repris dans un filet où s’entrecroisent circonstances indépendantes de sa volonté et retour de son refoulé. Répétition, quand tu nous tiens…
Chez le Plutonien, il y a souvent occultation du passé. On refoule parce qu’on est aux prises avec la terreur d’être détruit si la réalité se dévoilait, on construit sur un refus viscéral mais l’énergie souterraine se transforme en angoisse, en désir destructeur et en culpabilité dans un jeu complexe où l’on se retrouve et la victime et le bourreau. Avec Pluton, il n’est pas rare de vivre une  « Saison en Enfer » comme le dit si bien le plutonien Rimbaud . Il est vrai que toute initiation véritable passe par une descente dans le monde des ténèbres avant de pouvoir remonter vers la lumière. Comme le Soleil au zénith ne peut être regardé en face sans risque d’aveuglement, le passage dans l’obscur séjour du dieu des Enfers peut être l’occasion d’une renaissance dans les profondeurs, une expérience lumineuse. Trouver le chemin pour transgresser la mort, au sens étymologique – c’est-à-dire passer au travers pour aller au-delà – au prix d’un retournement de tout l’être, c’est sans doute ce à quoi Pluton nous invite.
Il n’est pas anodin qu’Hadès ait pour attribut le casque qui le rend invisible et que Pluton soit le maître archétypique du Scorpion, signe symbolisé par l’aigle ou le phénix, cet oiseau magique qui renaît de ses cendres. Pluton, encore appelé « le maître du compost », est celui qui règne sur le processus de putréfaction, qui décompose ce qu’il touche pour le rendre à une nouvelle fécondité.  Sa symbolique nous évoque les rites d’enterrement en vue d’une résurrection.
Dans son livre Les rêves et la Mort, Marie-Louise von Franz fait allusion au mythe d’Osiris enfermé dans son cercueil de plomb, mythe dans lequel Seth, son frère, son double, figure le côté sombre.
Je la cite : « Le démoniaque, l’élément Seth dans la nature humaine, sont ses affects autonomes négatifs, ses pulsions aveugles, ses émotions incontrôlées, tout ce que Carl Gustav Jung a rassemblé sous le concept d’ombre et où nous voyons souvent des pulsions de ce corps animal inconscient qui est le nôtre. Les impulsions qui en émanent emprisonnent Osiris, c’est-à-dire qu’elles empêchent la prise de conscience du Soi et l’individuation. Mais c’est précisément au moment de leur victoire apparente – la mort – que ces pulsions vont s’unir à leur contraire – le principe du bien, ou encore Osiris, l’eau de la vie – pour se transformer en un réceptacle protecteur du Soi …
Sur le plan psychologique, on peut voir dans ce processus – je cite encore - «  le passage de l’enfermement en soi-même à la conscience de soi. Les pulsions de l’ombre nous incitent à ramener à nous-mêmes désirs, émotions et impulsions de la volonté. Chacun veut n’agir qu’à sa tête, souvent de façon infantile. Mais si le moi parvient à rendre conscientes ces pulsions et à les soumettre à la décision du Soi, qui est comme un pressentiment du divin en nous, l’énergie brûlante des pulsions devient réalisation de l’identité. Le moi prend alors conscience de sa nature et de ses limites : le sarcophage de plomb, la sensation d’emprisonnement, se transforme en un vase mystique à l’intérieur duquel nous sommes littéralement enchâssés, comme si, au sens propre, nous ne pouvions plus perdre notre contenance ».
Espérons que l’imbroglio judiciaire auquel Roman Polanski est assujetti soit aussi pour lui une occasion de s’affronter fructueusement à ses propres abysses.

Et pour finir, un aparté : les media se régalent de cette histoire et ne manquent pas de nous livrer en pâture le moindre rebondissement qui peut filtrer. Nombreux sont ceux qui s’expriment sur le sujet, donnent leur sentiment sur l’affaire et s’érigent en juges improvisés. Bref, tout le monde se repait volontiers du scénario dont le cinéaste est la vedette mais pas le réalisateur.
Le psychanalyste Jean-Pierre Winter, dans une  interview au magazine Psychologies disait que « consommer c’est, au sens premier, dévorer ». Et parlant de ce temps de crise que nous traversons, il dit aussi que « paradoxalement, ça soulage » ; ça soulage quoi ? La satisfaction de la pulsion de mort qui est en chacun de nous et que nous nous employons à refouler, dit-il. Par exemple, devant la ruine de certains patrons ou la chute de l’économie américaine, ses patients avouent dans l’intimité de la séance que,  c’est bien fait, c’est tout ce qu’ils méritent ! ».
Concernant Polanski, c’est le même schéma qui fonctionne à plein régime. René Girard a exposé dans son œuvre le rôle fondamental de la violence fondatrice et du bouc-émissaire chargé de tous les maux de la communauté.  Son sacrifice final permet de ressouder cette communauté dont les membres, animés par la rivalité mimétique, cherchent à s’emparer de ce que les autres sont censés posséder. A force de violence, la société en arrive à la nécessité de sacrifier une victime expiatoire dans un crime rituel, sans cesse à réactualiser.
Pulsion de mort ou rite de dévoration, Pluton qui règne en ces bas-fonds nous invite à affronter ces dimensions de la psyché humaine sans détourner le regard, si l’on veut y voir un peu plus clair.      

Extraits de la conférence par Ariane Vallet le 8.12.2009
pour l’Association SOURCE

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