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Marguerite YOURCENAR ou la dualité sublimée
PAR ARIANE VALLET

De son vrai nom Cleenewerk de Crayencour, Marguerite Yourcenar est la première femme à avoir été élue à l’Académie française en mars 1980. Française par son père, belge par sa mère morte des suites de son accouchement onze jours après l’avoir mise au monde,  elle trouve un peu de tendresse dans les jupes de Barbe, la bonne, dont elle sera brutalement séparée à l’âge de sept ans. Très attachée à la propriété familiale, le Mont-Noir près de Bailleul dans le Nord où elle a ses racines, elle passe la première partie de son baccalauréat à Nice sans avoir jamais fréquenté l'école. C’est son père, Michel, un anticonformiste très cultivé, élégant, joueur et finalement ruiné qui se charge de son éducation. Sa formation classique autant que ses goûts l’orientent vers les langues et les civilisations anciennes. « L’historien-poète et le romancier que j’ai essayé d’être », comme elle se définit elle-même, a construit une œuvre complexe, érudite et orientée vers des thèmes historiques ou antiques. Sous un masque distancié, elle tente de s’y réapproprier ses racines. Patiente recherche généalogique dans Souvenirs pieux et démarche inverse dans Archives du Nord où il s’agit de redescendre le temps depuis les lointaines origines d’une région qui deviendra plus tard la Flandre française. Ces deux volumes devaient constituer une trilogie avec Quoi ? L’éternité, livre resté inachevé. Outre ses poèmes, ses traductions, ses essais et ses pièces de théâtre, deux romans l’ont rendue célèbre : Mémoires d’Hadrien en 1951 et L’œuvre au noir en 1968. C’est aux Etats-Unis qu’elle se fixe auprès de son amie Grace Frick, sa compagne dévouée, dans l’île de Mount Desert, après avoir beaucoup voyagé dans l’entre-deux guerres et découvert le monde sur les traces de son père, lui-même grand voyageur. La diversité de son œuvre est immense, tant par ses thèmes que par les genres littéraires utilisés. « Ce parcours singulier d’une femme exceptionnelle » où prend-il sa source dans son thème natal ?

Soleil en Gémeaux conjoint Mercure, Pluton, Neptune et opposé Uranus, Ascendant Lion et Lune en Scorpion, grand trigone d’air et Vénus dominante opposée à Saturne : cette carte du ciel met tout d’abord en scène un aspect entre les trois planètes lentes sur lequel vient se greffer des planètes rapides dont on peut déduire une signification sur le plan personnel. Lorsqu’une carte du ciel individuelle est structurée autour d’une configuration collective, le sujet concerné semble lié plus intimement que ses congénères aux rythmes qui font évoluer le monde. Du moins, il en est le vecteur, une alchimie singulière en fait le représentant de son époque à un titre ou un autre. Dans sa vie personnelle, l’individuel se tisse plus spécifiquement au collectif pour en laisser une trace visible à ses semblables. C’est le cas de Marguerite Yourcenar dont la naissance au début du siècle dernier la place dans cette génération qui a connu deux guerres mondiales et leurs kyrielles de désastres. Dans son œuvre, le retour vers son propre passé s’élargit dans un mouvement plus vaste d’intérêt pour l’antiquité, de reconstruction de l’ancien. Une entreprise que l’auteur qualifie de « quasi nécromantique ». Pluton, planète dominante dans son thème, appelé Hadès chez les Grecs, est le dieu des enfers qui règne sur les domaines souterrains (au sens propre comme figuré), le dieu de la mort et de la régénération.  Il est encore appelé « le maître du compost », donc celui qui décompose et transforme ce qu’il touche. La position de cette planète dans le thème de Marguerite Yourcenar évoque, sur le plan psychologique, une image du masculin perçue sous l’angle de l’ambivalence et de la complexité, un héritage familial intériorisé comme inconsciemment destructeur. Avec cette configuration, tout se passe comme si l’image paternelle prépondérante était ambiguë. Il émane de cette figure une idée d’adolescence, de fraternité, comme d’un double avec qui partager des idées, échanger, dialoguer mais peu protecteur. En aspect du Soleil natal, Neptune évoque une relation indéfinissable, troublante, ne donnant pas de repères fiables ni de limites bien définies. Uranus est porteur de transgression, d’ouverture à la nouveauté, à l’inédit, hélas aussi porteur de distance et d’insécurité. Quant à Pluton, il évoque le poids du non dit, une dimension anxiogène, menaçante, dangereuse à certains égards dont l’emprise puissante pèse et emprisonne. Modèle masculin hors normes, père irremplaçable, d’ailleurs irremplacé qui a mis Marguerite sur le chemin de l’écriture. Il est amusant de constater que son destin littéraire sera définitivement fixé avec les Mémoires d’Hadrien, ouvrage commencé dans sa prime jeunesse, revu et corrigé maintes fois, et publié aux alentours de la quarantaine. Clin d’œil du signe androgyne des Gémeaux, elle y parle à la première personne du masculin singulier, s’identifiant en quelque sorte à cet empereur au seuil de sa vie. Sur un autre versant, l’image intériorisée de ce masculin complexe a orienté inconsciemment les choix affectifs de Marguerite Yourcenar vers des hommes avec qui la relation était barrée comme s’il fallait ne jamais rompre le pacte secret au prix d’une sorte de captivité intérieure. Dans Feux, par exemple, elle exprime sa passion non réciproque, son amour malheureux pour un homme, André Fraigneau, dont les goûts ne le portaient pas vers les femmes. Enfin, au regard de l’œuvre, ce « complexe-père » se métamorphose en créativité.

A dominante « humide » (principe de liaison, d’adhésion), la configuration de sa Lune en Scorpion en bon aspect de Vénus révèle chez cette femme une forte sensualité, une intuition lucide et une imagination plus tourmentée que son attitude digne ne le laisse transparaître. Vénus dans le signe tendre et nourricier du Cancer en opposition à Saturne est indice d’un sentiment d’abandon vraisemblablement cristallisé autour de la perte précoce de la mère dont Marguerite se défendait de manière provocante (Scorpion, Pluton). Lors de son passage à Apostrophes en décembre 1979, à une question de Bernard Pivot sur ce sujet elle répondit « Je crois que le manque a été absolument nul. Car enfin, il est impossible, à moins d’avoir un caractère romanesque, de s’éprendre, de s’émouvoir d’une personne qu’on n’a jamais vue ». Pourtant, la frustration du bébé dépossédé du sein maternel et de la sécurité initiale sur laquelle se fonde la confiance en soi laisse des cicatrices à commencer par une méfiance à l’égard des sentiments.  La Lune en Scorpion correspond à un sentiment ambivalent - amour et haine - à l’égard de la mère, et peut se retourner contre sa propre féminité. Dans ses romans, les femmes sont délaissées, emmurées, abattues, décapitées ou pendues. Elles font l’objet d’une « foncière misogynie » selon l’expression de YOURCENAR elle-même. Il va de soi que l’absence de la mère crée un vide angoissant chez Marguerite (Lune en Scorpion) ayant pour conséquence un rejet du statut biologique de la femme (refus d’enfant) alors que les soins attentifs et précieux de Barbe lui ont donné accès aux gestes simples de la vie (Vénus en Cancer). Dans son île bloquée par les neiges d’hiver, Marguerite Yourcenar faisait son pain. Comment alors concilier ce besoin de douceur, de partage, cette nostalgie du paradis perdu avec la peur d’entrer en relation, le doute de pouvoir se faire aimer et la crainte que s’ouvre à nouveau la blessure initiale ? Comment assouvir cette forte revendication affective qui lie son destin au désir de l’autre dont elle recherche l’approbation (Vénus conjointe à l’Ascendant) ? La question est posée par ces aspects planétaires. Car ce cocktail de caractéristiques actives et passives,  contradictoires, fait de Marguerite Yourcenar une femme tout à la fois passionnée, exigeante, autoritaire, obstinée, orgueilleuse, dominatrice parfois, mais aussi vulnérable, soumise à son besoin d’amour, dépendante du regard de l’autre, hypersensible, tourmentée et justement… romanesque ! Avec en toile de fond, un fort besoin d’indépendance et de liberté chez cet être épris d’absolu (Pluton) dont l’individualisme (Uranus) l’incite à suivre sa voie propre.

Les valeurs mentales développées prennent le relais pour tenir en bride le registre émotionnel. Discipline et persévérance (Saturne) permettent de s’atteler à des tâches de longue haleine, mettre en forme ses idées et utiliser à bon escient sa vivacité d’esprit et son sens critique (Mercure, Gémeaux) afin de formuler des réflexions profondes. Dotée d’une indéfectible énergie pour s’exprimer (Mars en maison III, secteur de la communication), l’auteure peut s’affirmer et rayonner par la plume dans un contexte où apporter sa pierre à l’édifice permet aussi de récolter les bénéfices gratifiants offerts par la notoriété (axe narcissique des maisons V / XI valorisé). Se dessine une personnalité paradoxale, à l’imagination riche et singulière, admiratrice du classicisme. Sensible aux compliments, aux honneurs, aux attentions (Ascendant Lion) mais lucide et capable d’aller au fond des choses. Séduction (Vénus) et résistance (Pluton) sont les pôles antinomiques de cette personnalité atypique. Se construire, vivre son unicité ne dispense pas du besoin de reconnaissance, d’admiration. L’exigence intérieure d’authenticité, de liberté s’accompagne aussi d’une demande insistante de compréhension, de sécurité, de tendresse. Le désir de l’autre révèle le manque insondable et maintient le sujet dans une quête éperdue d’amour. C’est ce désir, attendu et subi, qui l’entretient. Pour cette femme déchirée entre son élan vers l’autonomie,  ses élans sensuels et son secret désir d’être protégée, choyée, maternée, la voie de l’expression créative s’ouvre, permettant, sous le masque romanesque, de remodeler ses propres tensions, de les objectiver par la distance du récit. C’est que le mental est aussi prince en ce royaume. Il fournit l’inlassable curiosité, l’habileté du savoir-faire, le goût des mots et des idées, la capacité à fouiller sous l’apparence, à ciseler et à approfondir, à développer et épurer. Le travail littéraire devient alors une nécessité, le catalyseur indispensable.

La mort de Zénon, le médecin alchimiste de l’Oeuvre au noir, scellera quant à lui, la mutation d’une femme déjà célèbre en Immortelle. Renaissance étonnante et quasi impersonnelle d’un Phénix sous le masque d’un autre. A travers Souvenirs Pieux et Archives du Nord, fresque familiale, l’écrivaine recompose ses racines, dénoue et tresse à nouveau les liens vitaux qui l’attachent au passé, (les significateurs de la maison IV, secteur du passé, de l’enfance, de la famille sont valorisés) s’immerge au coeur d’un monde disparu dont elle se sent l’héritière avec le recul glacé de l’entomologiste décrivant des spécimens : « Chaque écrivain ne porte en soi qu’un certain nombre d’êtres. Plutôt que de représenter ceux-ci sous les traits de personnages nouveaux, qui ne seraient guère que des personnages anciens prénommés autrement, j’ai mieux aimé approfondir, développer, nourrir ces êtres avec qui j’avais déjà l’habitude de vivre, apprendre à mieux les connaître à mesure que je connais mieux la vie, perfectionner un monde déjà mien ». A près de quatre-vingts ans, le poids des lauriers ne l’empêche pas de s’évader à nouveau vers des rivages inconnus, de reprendre son errance juvénile (importance des significateurs des maisons III et IX qui concernent la mobilité, l’aventure, la découverte, les voyages). A la fin de sa vie, après la mort de Grace, animée des mêmes feux qui l’avaient embrasée un demi-siècle plus tôt, elle revivra avec Jerry Wilson une autre passion insolite. Il l’accompagne dans ses périples autour du monde et forme avec elle un couple improbable avant de rejoindre pour toujours la Grande Mère terrible dont Marguerite, malgré elle, porte le voile sombre et mystérieux.  Elle meurt le 17 décembre 1987 au retour d’Uranus sur lui-même. « Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts » sont les derniers mots que l’auteur met dans la bouche de l’empereur Hadrien. Il semble que ce fut aussi le projet de vie de Marguerite : scruter les mystères essentiels de la vie et de la mort, sonder le passé pour mieux appréhender le présent et anticiper l’avenir, ouvrant ainsi une voie menant à l’universel.
© 2010

  • Le Jardin des Chimères est publié en 1921 à compte d’auteur et signé Yourcenar, anagramme de Crayencour choisi avec son père écrivain à ses heures.
  • Josyane Savigneau, Marguerite Yourcenar, l’invention d’une vie, Gallimard, 1990.
  • «  Prendre une vie comme achevée, fixée (autant qu’elles peuvent jamais l’être) par l’Histoire, de façon à embrasser d’un seul coup la courbe toute entière » (Carnets de notes des Mémoires d’Hadrien).
  • Complexe s’entend ici au sens de la psychologie analytique : fragment psychique à forte charge affective jouissant d’une certaine autonomie et d’une puissante cohérence interne  qui mène une existence indépendante dans la sphère obscure de l’âme, Le vocabulaire de C.G.Jung, coordonnée par Aimé Agnel, Ed. Ellipses, 2005.
  • Carole ALLAMAND,  « Marguerite Yourcenar, une écriture en mal de mère », Editions Imago.
  • Un thème astrologique pose des questions, c’est au natif d’y répondre tout au long de sa vie.
  • Décédé du sida à Paris en février 1986 avant Marguerite Yourcenar qui meurt l’année suivante d’une attaque cérébrale.
  • Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1974.
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